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La Suisse ne peut pas tolérer la pauvreté des enfants

Le nouveau Parlement doit agir contre la pauvreté des enfants

En Suisse, la pauvreté des enfants, déjà trop répandue, augmente encore. Et malgré cela, le Conseil fédéral abandonne aux cantons le terrain de la lutte contre la pauvreté. Quatre cantons ont pris la mesure de l’urgence et luttent désormais avec succès contre la pauvreté des enfants grâce à l’instrument des prestations complémentaires pour familles. Caritas invite fermement le nouveau Parlement à mettre en œuvre une loi-cadre pour l’introduction des prestations complémentaires pour familles au niveau national. 

La Suisse compte quelque 1,7 million d’enfants. 103 000 d’entre eux sont touchés par la pauvreté. Autrement dit : dans chaque classe d’école, il y a en moyenne un enfant pauvre, et si on compte les enfants vivant dans la précarité juste au-dessus du seuil de pauvreté, ils sont même trois par classe. Un tiers des personnes recourant à l’aide sociale sont des enfants et adolescents. Les enfants représentent le groupe d’âge le plus important des ayants droit à l’aide sociale.

 

La pauvreté des enfants a plusieurs causes

Il y a de nombreuses raisons à la pauvreté des enfants dans notre riche pays. Un enfant coûte entre 7000 et 14 000 francs par an, un coût particulièrement lourd pour les parents à faible revenu. Les coûts indirects — qui surviennent lorsque les parents, le plus souvent les mères, réduisent leur temps de travail ou cessent leur activité professionnelle à la naissance de leur premier enfant — ne sont pas compris dans ce coût, même s’ils pèsent également sur les revenus du ménage. Souvent également, l’harmonisation entre vie familiale et vie professionnelle est lacunaire. Et il existe encore trop peu de possibilités de prises en charge des enfants qui soient à la fois disponibles et financièrement abordables. La flexibilisation croissante du travail avec des horaires irréguliers pose des défis majeurs, en particulier pour les familles à faible revenu. Les parents des enfants touchés par la pauvreté ne gagnent pas un revenu suffisant. Et quelque 70 % des enfants touchés par la pauvreté en Suisse grandissent dans des familles de working poor. Leurs parents travaillent dans des secteurs à bas salaire ou dans des conditions d’emploi précaires, comme les emplois temporaires ou auxiliaires ou le travail à l’appel. Bien que ces parents travaillent, ils ne gagnent pas suffisamment d’argent pour subvenir aux besoins de leurs familles. Enfin, les risques liés à un divorce ne sont pas assez assurés. Les enfants de familles monoparentales courent plus de risque que les autres de vivre dans la pauvreté. La Suisse n’investit pas suffisamment dans l’enfance et la famille ; dans ce domaine, elle est nettement au-dessous de la moyenne européenne puisque les dépenses en matière d’encouragement précoce, d’encadrement et d’éducation sont en moyenne trois fois plus basses en Suisse que dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

 

Les prestations complémentaires pour familles, un bon moyen de lutte contre la pauvreté

La pauvreté des enfants n’est pas seulement un désastre aujourd’hui : elle détermine également la vie tout entière des enfants concernés. Les enfants touchés par la pauvreté ont moins de chance de formation et moins de perspectives que les autres. Il est donc important d’agir dans plusieurs domaines. D’abord, et c’est une condition sine qua non d’une croissance en bonne santé, il s’agit de mieux garantir le minimum vital. Deuxièmement, tous les enfants doivent avoir accès à un encouragement précoce de bonne qualité. On sait en effet que les premières années de vie sont décisives pour leur développement. Et troisièmement, il faut garantir à tous les enfants un encadrement complétant les possibilités familiales ainsi qu’une prise en charge extrascolaire.

Caritas s’est penchée sur les prestations complémentaires pour familles nécessaires pour garantir le minimum vital. Bien qu’au plan fédéral, on n’ait toujours pas réussi ces dix dernières années à garantir les moyens de subsistance des familles, quatre cantons ont introduit cet instrument. Toutes les évaluations montrent que l’instrument est efficace et que les taux de pauvreté ont notablement baissé dans ces cantons. Le modèle du canton de Vaud est particulièrement efficace. Les PC pour familles y sont versées jusqu’à l’adolescence. De plus, le canton prend à sa charge la plus grande partie des coûts de garde des enfants et rembourse les coûts de la santé. Les prestations complémentaires sont liées à d’autres prestations permettant d’améliorer l’intégration professionnelle des parents. Dans le cadre d’un coaching, on développe des mesures communes d’amélioration de cette intégration. La participation à ce programme est volontaire, mais une grande partie des bénéficiaires des prestations complémentaires pour familles s’y rendent.

 

La prévention de la pauvreté n’est pas contraignante : il faut une solution à l’échelle nationale

La politique de lutte contre la pauvreté est menée par les cantons. Ces dernières années, plusieurs cantons ont discuté de l’introduction des prestations complémentaires pour familles. Mais, principalement pour des raisons financières, la plupart n’ont pas donné suite. Il est donc urgent qu’une solution à l’échelle fédérale soit trouvée, qui laisse aux cantons la marge nécessaire à sa mise en œuvre.

Pour Caritas, c’est évident : les enfants ne doivent pas représenter un risque de pauvreté et ne devraient pas hériter de la pauvreté de leurs parents. Les évaluations réalisées dans les cantons avec des prestations complémentaires pour familles montrent que cet instrument est très efficace et qu’il a des effets positifs pour les personnes concernées, pour l’économie, pour la société et pour l’aide sociale. Caritas invite le nouveau Parlement, la Confédération et les cantons, à mettre en œuvre partout en Suisse les prestations complémentaires pour familles par le biais d’une loi-cadre. Une telle loi obligerait les cantons à s’aligner sur les règles fédérales en ce qui concerne les prestations complémentaires pour familles. Elle permettrait de fixer des mesures minimales, tout en laissant aux cantons une certaine liberté pour adapter leurs prestations aux conditions locales. Cela entraînerait aussi des engagements financiers contraignants pour la Confédération.

Marie Greusing, Secteur Études, Caritas Suisse, courriel : mgreusing@caritas.ch,
tél. : 041 419 23 79

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