Sauver coûte que coûte les grands prématurés. Pragmatique, l’association britannique de médecine périnatale (BAPM) vient de modifier ses recommandations1 quant au seuil à partir duquel il convient de mettre en oeuvre une réanimation des nouveau-nés très grands prématurés, soit à partir de 22 semaines. On sait qu’un enfant est considéré comme prématuré s’il naît avant 37 semaines d’aménorrhée (SA), et que la très grande prématurité concerne les naissances intervenant avant 28 SA. Cette modification des recommandations tient au fait que le taux de survie chez les très grands prématurés a doublé ces dix dernières années – passant de 20 à 40% pour les bébés nés après 23 SA.
D’autre part, une étude publiée récemment dans le Journal of the American Medical Association (2) (menée en Suède auprès de 2,56 millions de bébés nés entre 1973 et 1997) établit que parvenues à l’âge adulte, 54,6% des personnes nées avant 37 semaines SA étaient vivantes et ne présentaient pas de problèmes de santé particuliers. Ce pourcentage tombe à 22,3 chez les très grands prématurés. En août dernier, Ruben et Jenson Powell sont devenus les plus grands prématurés de Grande-Bretagne à avoir survécu (après 22 semaines et 6 jours de grossesse). Pour la Dre Helen Mactier, présidente de la BAPM, cette modification «aligne la pratique clinique recommandée sur les connaissances scientifiques les plus récentes, en veillant à ce que les conseils aux parents soient consultatifs, cohérents et basés sur des preuves». «Nous sommes mieux armés pour maintenir en vie les bébés extrêmement prématurés et nous savons que les cliniciens sont de plus en plus disposés à envisager des soins les concernant, explique-t-elle. Nous avons la responsabilité d’offrir les meilleurs soins possibles au bébé, ainsi que des conseils cohérents aux parents inquiets. Parfois, cela signifiera que la mère devrait être transférée avant la naissance dans un centre de soins de maternité situé à côté d’une unité néonatale de soins intensifs.» Dominic Wilkinson, professeur d’éthique médicale à l’Université d’Oxford fait pour sa part observer que les décisions dans ce domaine «sont parmi les plus difficiles auxquelles les parents ou les médecins doivent faire face». «En 2019, il est possible de sauver des bébés qui n’auraient pas pu survivre auparavant, explique-t-il. C’est une nouvelle fantastique. Mais les risques très élevés signifient qu’il n’est pas toujours la bonne chose à faire de fournir un traitement médical intensif. Parfois, la voie la plus sage et la plus judicieuse consiste à adopter une approche palliative des soins du bébé, axée sur son confort et évitant les traitements médicaux invasifs.»
Outre-Manche, certains font d’autre part observer que les recommandations concernant la réanimation des nouveau-nés à compter de 22 semaines se situent désormais en deçà du délai légal autorisé pour pratiquer une interruption volontaire de grossesse (24 semaines SA). «Il y a une contradiction réelle dans la loi britannique, a fait valoir Catherine Robinson, porteparole de l’association Right To Life UK. Dans la salle d’un hôpital, des médecins peuvent être en train de sauver un bébé né après 24 semaines de grossesse, tandis que dans une autre pièce, un médecin pourrait être en train de pratiquer un avortement mettant un terme à la vie d’un bébé du même âge».
Reins humains qui après nous vivrez. Ecrire, dans la catégorie «roman», sur la transplantation d’organe est, en langue française, un exercice assez peu fréquent. On se souvient, il y a cinq ans, du plus que remarquable « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal (3). Il faut aujourd’hui compter (dans la catégorie «récit») avec Les reins et les cœurs (4). Transplantation cardiaque, souffle et chanson de geste réinventée d’un côté; récit intimiste de l’autre sous la plume d’une femme touchée par une mutation génétique familiale qui impose (le cas échéant et quand c’est possible) une greffe rénale. «Aujourd’hui, pour raconter ce que veut dire “vivre grâce à l’organe d’un autre”, je suis face à un “autre” devenu étranger, un “étrange-moi”. Un “je” dont l’identité devient incertaine.» Ce récit troublant est à découvrir. Il est signé Nathalie Rheims.
Jean Yves Nau
jeanyves.nau@gmail.com
1 New BAPM Framework on Extrême Preterm Birth Published. British Association of Périnatal Medicine (BAPM) 23 octobre 2019.
2 Crump C, Winkleby M A, Sundquist J, et al. Prevalence of Survival Without Major Comorbidities AmongAdults Born Prematurely. JAMA 2019;322:1580-8.
3 Nau JY. Organes humains qui après nous vivrez. Rev Med Suisse 2014;10:988-9. 4 Rheims N. Les reins et les cœurs.
4 Paris: Editions Léo Scheer, 2019.